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Souffle New York 2/les inedits/extraits

24 mai 2005

souffle new york 2/les inédits. extraits

SOUFFLE, LES INÉDITS

4ième de couverture

Comment se replonger dans l’univers du meilleur du rap, sinon à travers l’analyse éclairée et minutieuse de son histoire, de ses acteurs et du contexte qui l’explique ? C’est le travail d’Antoine WAVE Garnier, correspondent de presse pour L’Afffiche, Vibrations, Groove, Da Niouz, Black News, ex-rédacteur en chef de Radikal, concepteur des émissions Check Ça (Fun Radio) et Caméra Graffiti (La 5).

Véritable radiographie de ce mouvement artistique, social, économique, politique et culturel capturé sur le terrain des années 80 à 2000, Souffle, Les Inédits, vous invite à partager une somme d’informations et vous aider à mieux comprendre, apprécier et être critique face à l’expression rap, tout en en validant la formidable existence. Instructif, pédagogique, historique, suivez-en les pérégrinations et le rythme. Des interviews, des analyses, des rencontres et des dossiers mettent en perspective les sujets. En parallèle, aussi croustillantes que révélatrices, des rap news, vous ré-introduisent dans l’intimité des Run DMC, Public Enemy, Boogie Down Productions, LL Cool J, Gangstarr, Teddy Riley, Luke Skywalker, Pete Rock, 2Pac, Ice Cube, Doctor Dre. Bienvenue au cœur de la culture hip hop. Bonne lecture.

INTRODUCTION

Résumer en quelques pages l'histoire d'une vague qui a bouleversé simultanément plusieurs genres musicaux et l’ensemble de la culture populaire contemporaine d’un pays relève quasiment de l'exploit. Car c'est plus de trente ans en arrière qu'il faut remonter pour en retrouver les racines, les formes et la teneur substancielle. Mais une chose est indubitable, la culture hip hop, et le rap en particulier, ont profondément marqué la société américaine, particulièrement sa communauté noire, de manière inédite, tant dans l’histoire de la musique qu’au-delà. Car à l’inverse du jazz – esthétique - ou du rythm & blues – formaté – derniers éléments d’un héritage musical composite, le rap a été la première musique proposée sans supervision extérieure parasite - une avancée majeure dans une industrie qui méprisait et réarrangeait jusqu’alors le travail original des artistes noirs et de son authenticité. Jamais l’expérience noire des centres urbains n’avait été décrite d’une telle manière. Oppression policière, politique, sociale, culturelle, mais aussi relations amoureuses, amitiés masculines, énergie de la jeunesse, sens de la fierté, de la lutte, sens communautaire, outil de l’expérimentation, talent pur, passerelle de la créativité artistique, mais surtout sens de la renaissance humaine noire, jamais le sentiment de partager le vécu de quartier avec familiarité, complicité, proximité, intimité, transmis avec haine ou amour, talent, n’avait été proposé et entendu de manière si directe et criante. J’ai aimé cette culture car elle a accompagné et constitué le cœur de ma jeunesse, à travers un long parcours initiatique, en en écrivant les plus belles pages personnelles et professionnelles, me faisant découvrir des personnages et vivre des situations historiques témoignant d’éléments-piliers de la culture noire-américaine, puis populaire, en façonnant, en parallèle, un phénomène d’identification nourri par une convergence d’intérêts : la re-définition de la réalité noire différente des stéréotypes imposés depuis des années par les médias traditionnels. La fin des raccourcis employés pour imposer une image dégradante et limitée de l’individu noir-américain, et leurs effets, dans ma transformation et compréhension de moi-même, de mes compatriotes, d’une culture élargie ou adoptée, dans la quête d’une meilleure connaissance intérieure. Je n’ai jamais ressenti de pareil depuis. Voyage, voyage.

VOYAGE

Etudiant en sciences politiques, c’est en 1990, 4 ans après mon arrivée à New–York, que je commence à écrire pour le magazine L’Affiche pour lequel j’ai proposé mes services de correspondant de presse permanent. A l’époque, il n’existe pas de presse spécialisée française qui couvre les manifestations artistiques de cette culture, encore moins celles qui en abordent le contexte. Les magazines Rock & Folk, Best ou Rock, piégés dans un prisme réducteur, ne traitent que de rock music selon leur entendement. Frustré par cette presse française méprisante d’où est absent de ses couvertures ou dossiers tout artiste noir, malgré la contribution au genre, je décide de profiter de ma présence sur le territoire américain pour transmettre ce que j’y observe et comprends. Je n’ai pas fréquenté d’école de journalisme, mais je prétendrai en être un, formé sur le terrain, en en captant le sens. Ainsi, ce que vous allez lire est le produit de mes observations artistiques et culturelles capturées au fil des années et de mes séjours consécutifs, en écoutant la radio, en allant aux concerts, en discutant avec des disquaires, avec des ami(e)s, des attachées de presse, des artistes, leurs managers ; en lisant la presse spécialisée et en y contribuant, à l’époque où cette culture n’est pas encore l’industrie qu’elle est devenue. Où parler à un artiste ne représente pas une difficulté majeure car il est accessible, simplement, en prenant contact dans la rue ou derrière les barrières en fin de concerts. Car chaque artiste est un demandeur enthousiaste et spontané de notoriété. Où le milieu est encore frais et la rencontre d’un Noir-Français pour ces Noirs-Américains, surprenante et exotique. Comme les pièces d’un grand puzzle toujours incomplet, ces articles, interviews, analyses, brèves, tentent de capturer des moments de vie de cette culture, les éléments qui ont contribué à «construire» une époque, un état d’esprit, une population, un contexte : une culture. Puisse l’ensemble vous aider à mieux comprendre la nature des forces culturelles en présence, suggérer des pistes de réflexion, satisfaire vos questions, mettre fin à des rumeurs et inspirer de nouveaux projets. Bienvenu dans la culture hip hop.

HISTOIRE - LES ANNÉES 60/70

EN France

MA France

Je suis née en France en 1965, dans un pays qui a besoin de main d’œuvre et continue d’accueillir, presque les bras ouverts, les habitants de ses colonies d’outre-mer dont sont issus mes parents. Il y a du travail ou un emploi pour presque tout le monde. Quand on perd son emploi le vendredi, le lundi, on en a trouvé un nouveau. C’est ce que les livres d’histoires ont qualifié d‘époque bénie des trente glorieuses (1945-1975). Ce sont pourtant tous les mêmes qui finissent sur le site graisseux de Renault à Aulnay, ou dans les couloirs des hôpitaux de l’Assistante Publique, balayant la merde des autochtones dans des blouses d’aides-soignantes dociles dans laquelle on veut les cantonner. Ma mère, elle, n’y a rien trouvé de glorieux, sinon de l’argent pour nourrir sa famille. Bénie, peut-être, mais autrement. Peut-être n’a t-elle jamais vraiment cru en ce pays. Il compte alors peu de Noir(e)s comparé au nombre d’enfants d’ascendance africaine que l’on peut croiser dans la rue aujourd’hui.

On est donc immergé dans une société rigide, avec une seule chaîne de télévision en noir et blanc, l’ORTF, où l’existence de peu de radios équivaut à peu de diversité, car celles existantes sont très formatées ; où l’empreinte du général de Gaulle, penseur d’une France conquérante, souveraine et visionnaire, est omniprésente dans une classe politique subjuguée. De bandes ethniques, il n’y a que les rockers blancs, les «blousons noirs» (déjà d’inspiration américaine). Il n’existe pas de discours communautaire ou comunautariste, au sens où on veut nous le faire entendre aujourd’hui. Bien que l’arrivée des voitures japonaises dans les années 80 soulèvera des commentaires et des bris de pare-brises au marteau que l’on préfère oublier pour apprécier, benoîtement, la technologie nipponne. Pour notre part, nous sentions que nous étions différent, mais cela ne posait pas de problème fon-da-mental (nous nous précipiterions tout de même sur les émissions où des Noirs-Américains, modèles forcément positifs et source d’oxygène dès qu’elles apparaîtraient…). Bien sûr que nous étions gênés par les rares images d’Afrique stéréotypée avec ces hommes noirs vivant forcément à moitié nus avec leurs arcs et leurs flèches, dans des villages aux huttes de terre (si l’on voulait les montrer), un bout de bois dans le nez, et leurs femmes les seins à l’air (que l’on ne pouvait manquer de nous montrer). Bien sûr que nous pouvions en avoir honte et qu’elles se gravaient dans notre inconscient comme dans celui de nos voisins originaires du Loir-et-Cher qui toucheraient nos cheveux crépus, fascinés comme s’ils découvraient du cobalt. Mais il serait faux de dire que nous avions déjà assez de cette imposition négative constante de notre image dans/par les médias français. On s’en contentait, même si frustrés et insatisfaits. Pour nous, la France, c’était George Marchais premier secrétaire du PCF, un vieux George Pompidou, président de la République française, conservateur fatigué et malade, la majorité qui passait de 21 à 18 ans, le MLF qui se battait pour des revendications de femmes dans lesquelles ma mère n’avait pas le temps de se reconnaitre. Quand eux idolâtraient Bowie, persuadés que le rock ne pouvait être produit que par eux et pour eux, dans une décadence punk qu’il jugeaient saine… nous, nous aimions Tabou Combo et sa musique compa plus spirituelle. Mais aussi les productions «hot-dogs» (Deep Purple, Barabas, Jim Morisson), «camemberts» (Claude François, Annie Cordy, C Jérome, Mike Brant, Sheila et Ringo Willy 4, Stone et Charden, Michel Fugain, Mireille Mathieu, Serge Lama, Michel Sardou, Demis Roussos Patrick Topaloff). L’animateur  radio André Torrent faisait la pluie et le beau temps avec son Hit Parade, et j’achèterai tout naturellement Podium, le magazine de Claude François. A la télé, le samedi soir, nous regardions avec fidélité les émissions de divertissements Top à… de Maritie et Gilbert Carpentier et la semaine les feuilletons Thierry la Fronde, Les Chevaliers du Ciel, Fifi Brin d’Acier, Le Virginien, L’Homme de Fer, Bonanza, Mission Impossible (avec Greg Morris), M.A.S.H, Les Jours Heureux (Fonzy), Les Envahisseurs (Roy Thines), Cosmos 1999, Les Têtes Brûlées (Papy Boytton), Amicalement Votre (Danny Wild et Brett Sinclair qu’intreprétaient Tony Curtis et Roger Moore), L’Homme qui valait 3 milliards (Lee Majors, mari de la top-model Farrah Fawcett) qui étaient diffusés au fil des ans. Mais c’est surtout Kojac et Starsky & Hutch qui, au fil des rediffusions, patiemment, régulièrement, définitivement, ancreraient consciemment et inconsciemment les clichés new-yorkais dans nos esprits et nous franco-américaniseraient. Ça en faisait des heures d’images et de propagande gratuite. La place de cinéma oscillant entre 13 et 15 francs étant trop chère pour que nous puissions envisager d’y aller autrement qu’à titre exceptionnel.

*(viendrait plus tard Super Jaimie, Deux Flics à Miami, L’Incroyable Hulk, Supercopter, Arabesque, etc…)

1971

Pour entrer sans détours dans la confidence, je ne me rappelle pas comment s’est développé mon intérêt pour la musique puisque que je n’ai fréquenté aucune église baptise dès le plus jeune âge, et que seuls les noms d’André Torrent (RTL) ou de François Diwo évoquent vaguement un accompagnement régulier à cette matière, certes plus léger que celui que pouvait offrir mes professeurs de musique au lycée Gabriel Perri d’Aubervilliers. Pas vraiment la clef pour être versé en musiques funky, n’est-ce pas ? En revanche, de vagues souvenirs font remonter à Isaac Hayes et au générique de la série télévisée Shaft, diffusé le week-end, comme la toute première musique noire étrangère familière et significative pour mes tympans. Richard Roundtree l’acteur, était rapidement devenu le héros de toute la famille, avec sa moustache virile, son blouson en cuir noir, son sourire, sa coupe afro, sa musculature, … Le Soul Power de James Brown et le The Family Affair de Sly and The Family Stone, suivraient occasionnellement sur l’antenne des radios installées de l’époque.

1973

L’année de mes 8 ans, à l'automne 1973, j’ai le souvenir d’un malaise dans la société française. Le journal télévisé n’arrête pas d’en parler. En fait, le quadruplement du prix du baril de brut décidé par les pays de l'OPEP pour faire pression sur les pays occidentaux lors de la guerre israelo-arabe du Yom Kippour, multiplie du même coup la facture énergétique du pays*. Si la France n’en dispose pas de pétrole, elle a des idées**. Sous le septennat de son président, Valéry Giscard d'Estaing, elle se lance dans un grand programme d’économie d’énergie et devient la seconde puissance électronucléaire mondiale. C’est à la même époque que la ceinture de sécurité devient obligatoire pour les constructeurs aux places avant. Soul Makossa, le titre du saxophoniste Manu Dibango envahit les ondes, mais c’est Kung Fu Fighting, de Carl Douglas, davantage diffusé, que mes parents acceptent d’acheter. Pas parce que Bruce Lee est mort, ils ne le connaissent pas. C’est l’un des premiers 45 tours de la maison. Pas question, non plus, d’acheter Lady Marmelade de Patti Labelle. Un disque, c’est un luxe et il y a cinq bouches à nourrir, alors pas d’excès. Nous n’avons pas encore la télévision en couleur. On y voit le Belge Eddy Mercks remporter le Tour de France pour la cinquième fois, mais l’hexagone craque pour Le Zizi de Pierre Perret. Hilarant, il est aussi provocateur dans un pays à l’esprit paillard. Le titre aurait généré 1 milliard d’anciens francs de gains apprendra-t-on.

* L'indice des prix à la consommation passe de 5.5 % (avant le choc du Kippour) à des fluctuations comprises entre 8 % et 14 %. Cette inflation du prix des hydrocarbures casse le rythme de la croissance en Occident en en modifiant également un fondement important, la fin du pétrole à bas prix.

** Référence au slogan, En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées.

AU USA

L’ECHEC ET LA HONTE

La fin des années 60 est une époque de transformation radicale au sein de la société américaine. Après l'échec militaire cuisant infligé par le Vietnam suivi d’un mouvement de protestation pour un arrêt de la guerre et d’un retour des boys (le mouvement anti-war). Après un mouvement féministe revendiquant une considération différente de la femme et de son corps au sein du ménage et de la société (le mouvement féministe). Après les revendications de fierté noire introduites par le black power de la côte ouest, accompagnée d’un mouvement plus large de remise en cause du statu quo raciste et discriminatoire dans le Sud puis dans le Nord, (le mouvement pour les droits civiques), les USA se consument. Detroit, Newark, Cincinnati, Atlanta, East Oakland, près de 150 autres villes s’insurgent. Du sang coule, des coups de matraques pleuvent, des corps sont enterrés. Ebranlée de toutes parts, attaquée et critiquée de tous côtés, l’Amérique conservatrice, piteuse et honteuse, se mue en une société intermédiaire, prise entre l’obligation de se conformer à son discours officiel, et tiraillée par les sautes d’expressions violentes de ses vieux démons rétrogrades.

LA DECEPTION

Malgré une volonté «négociée» d'améliorer le sort d’une communauté noire majoritairement pauvre et isolée, les effets de cette absolution nationale sont noyés dans la récession qui balaye l'Amérique du début des années 70, la fameuse crise du pétrole qui atteint également le pays aux grandes voitures d’Uncle Sam. Paradoxalement, ce début de décennie est marqué par une sorte de refus de la réalité décevante d’une vision avortée de la société idéale de Martin Luther King Jr. remplacée par une nouvelle donne économique encore plus pénible pour une population désormais davantage marginalisée et en quête d’oxygène social et politique. Si, en Angleterre, ses victimes économiques traduisent leur frustration via l’apparition et l’explosion radicale de punks désagréables et contrariants (les groupes Clash et autres Sex Pistols), ici, son double américain gère son amertume en se réfugiant vers une culture de l’artifice où le corps est roi, la libération sexuelle, consommée, à l’instar des drogues (douces et moins douces) dont les marchés respectifs explosent : le disco

LA MUSIQUE DISCO

C’est ce besoin de mansuétude qui va nourrir la création du disco, mélange de r&b harmoniquement plus dur, produit de l’introduction de l’électronique dans les studios et de la nouvelle orchestration de titres pop à un nouveau format. La culture du disco est la réponse joviale d’une Amérique troublée. Underground, apparemment, apolitique, créée par les homosexuels hispaniques et noirs new-yorkais face à un sentiment d'espoir qui va en se dégradant, elle est récupérée par son équivalente blanche branchée, puis par le grand public manipulé par une industrie du disque qui flaire des profits juteux alors qu'elle entame d’ailleurs une nouvelle étape dans son histoire : l'installation d'un nouveau format discographique (le single ou 45 tours). Celui-ci inaugure une nouvelle ère. Il permet l'application d'une nouvelle technique de vente. La vie d'un artiste peut maintenant se terminer dès la "mort commerciale" du morceau. La technologie où le beat répétitif reproduit par la machine permet d'uniformiser les productions artistiques. C'est l'une des premières musiques à faire appel à la technologie de manière significative. Les producteurs en abandonneront le message communautaire d’origine au profit d’un autre plus universel – sex is good. Depuis son studio allemand, Gorgio Moroder* sculptera l’icône Donna Summer, tant musicalement que physiquement. Des producteurs français, Henri Bellolo et Jacques Morali, (propriétaires du label Scorpio), deviendront également richissimes en déclinant l’idée du concept de melting-pot cher à Uncle Sam via un concept de groupe sorti de leur esprit, Village People. La popularisation du disco ne se fait pas sans le soutien actif des radios. Elles expliquent, en partie, les succès du film La Fièvre Du Samedi Soir** et de sa bande originale, une confirmation de l'acceptation par l'Amérique blanche du phénomène disco dans sa forme expurgée et de tous les espoirs commerciaux qu'il porte.

*Principal architecte du son disco des années 70, Gorgio Moroder, italien, s’établit à Munich où il réalise ses productions via son mythique studio Musicland d’où sortira ce son lourd et spatial caractéristique de son emploi de la ligne de basse et du son synthétisé qui inspirera plus tard la house américaine. Rappelez-vous les 17 minutes lancinantes de «I Feel Love», qui transformeront sa femme, Donna Summer, ancienne choriste devenue égérie d’un genre musical pensé et supervisé par son mari de producteur en diva sexuelle humide en 1974. A la maison, en famille, même s’il ne comprenait pas l’anglais, papa, gêné, baissait le son chaque fois qu’il entendait le titre Love to Love You, Baby, débuter avec son orgasme simulé.

*Robert Stigwood, australien, ancien associé du manager des Beatle, Brian Epstein, ayant monté sa propre boite, RSO, heureux propriétaire du film et de sa bande-son, récompensera les Bee Gees en offrant à chacun des membres du trio une limousine en or massif en signe de gratitude. Il est, entre autres, le producteur des bandes-son L’Empire Contre–Attaque,Fame, et a été le manager de Rod Stewart, David Bowie et Mick Jagger.

LA MUSIQUE R&B

En dépit de la division raciale qui subsiste même au niveau des ondes, (radios blanches/radios noires), avec des formats musicaux et des auditeurs respectifs, la disco d'origine survit néanmoins pour des raisons pécuniaires et d'images, tandis que la base de la musique noire n'est pas abandonnée. Notamment le hard funk et le rock, considérés par l'Amérique moyenne (noire/blanche/hispanique) comme trop agressif et trop près des masses.

Sly Stone and The Family est le premier groupe multiracial incarnant toujours l'Amérique hippy rêvée mais décapitée

1/par la mort de ses dirigeants les plus progressistes, Martin Luther King Jr. et John Fitzgerald Kennedy

2/ par l’élimination physique des penseurs libéraux de la culture noire via les opérations de sabotage du FBI (éradication violente et vicieuse du mouvement des Black Panthers of self Defense en ayant recours à des chars et des mitrailleuses, …).

Le travail du musicien se base sur une compréhension de la société américaine voulue plus ouverte, mélangée après la guerre du Vietnam, ainsi que sa compréhension subtile des mécanismes culturels liés au marché du cross-over (son passage et acceptation vers/par le grand public). Sa musique, le r&b, incarne la musique de l’intégration économique et sociale d’une frange de la population noire : la classe moyenne née

-         de l’Emancipation

-         de l’exode des Noirs du sud vers le Nord

-         des classes moyennes déjà existantes

-         de son propre progrès

-         du contexte de la guerre froide

-         des fruits de son propre labeur

-         du programme de préférence affirmative action.

Stone se place comme la réponse artistique à l’entrée réussie de la musique britannique sur le marché américain incarné par les Beatles et les Rolling Stones (ils proposent une fusion réussie de l’influence de la musique noire sur leurs propres musiques blanches).

LA MUSIQUE ROCK

Jimi Hendrix, lui, incarne, sous une autre forme, la mixité des genres, mais également la diversité de la culture musicale noire américaine. En extrayant des sons des cordes d'une guitare Stratocaster comme personne auparavant, il invente l'ancêtre du hard rock, recomposant l‘héritage soul, r&b et rock, devenant le modèle à suivre de tous les guitaristes envoûtés. Un comble quand on sait que depuis la guerre civile, la musique rock est considérée comme blanche, même si elle trouve ses origines chez les Noirs et qu’elle est la plate-forme à partir de laquelle l’industrie du disque moderne va se développer pour devenir l’élément clef de la culture populaire.

LA MUSIQUE FUNK

Parallèlement, il est un seigneur du son et des mélanges qui gagne sans compromis sur l'échiquier musical, George Clinton. Patron d'une équipe de musiciens alternativement baptisée Parliament et Funkadelic, il insuffle à ses protégés une philosophie extrême de sa musique, le P-Funk, qui se traduira jusqu'aux costumes de scène et portera sure des générations de musiciens.

Le funk, c'est l'une des sources musicales que l'on écoute dans les fêtes de quartiers où vit la minorité ethnique non-blanche. Parmi l'éventail de musiques spécifiques au credo noir américain urbain, des flambeurs choisissent d’agrémenter les soirées en parlant au micro, en faisant des rimes, en racontant des histoires et se vanter sur cette musique moins rapide que le disco, permettant ainsi le placement compréhensible des mots. Au fur et à mesure qu’ils prennent de l’assurance et de l’importance, ils sont appellés Maître de Cérémonie (MC/pour Master of Ceremony)*. L'introduction du micro et de deux platines disques permettra de mettre en place une variante du jive talking, (une technique de récitation déjà utilisée par les poètes tels que Gil-Scott Heron ou les Last Poets considérés comme les parents d’un rap mêlant poésie consciente et musique.)

*C’est un des membres séparé du groupe du nom de Lightning Rod qui utilisera l’ossature d’un titre de l’album Hustler’s Convention de Kool and The Gang, pour raconter une histoire de dealers, qui lancera le genre.

DJ KOOL HERC

De ces soirées tenues notamment au Community Center, 1520 Sedgwick, avenue du Bronx, le nom du meilleur organisateur ressort, Clive Campbell, alias DJ Kool Herc, fils d’immigrant d’origine jamaïcaine influencé, à la fois, par la culture des sound systems du pays de ses parents, leurs disques de r&b «à la Motown», et par ce qui est diffusé à la radio. Herc crédite, lui aussi, Lightning Rod et James Brown pour avoir fourni les bases fondatrices du hip hop, mais c’est lui qui lui donnera vie. C'est en effet la Jamaïque qui a apporté au rap américain ses éléments reggae, et c'est à l'emprunt de rythmes r&b que l’on peut attribuer le premier son rap. Herc est le premier DJ identifié aux Etats-Unis comme ayant popularisé ces soirées inspirées de celles existant dans sa Jamaïque natale. Aux platines de son sound system, «Herculords», il mélange un vaste répertoire de cultures musicales qu’il affectionne, mixant, à l‘oreille, des standards de pop, de rock, de disco, ou de musiques latines qu'il entrecoupe de séquences sélectionnées à partir de ces mêmes disques. Il métamorphose, américanise la culture des DJ jamaïcains sur le terrain new-yorkais.

*Par exemple des breaks de batteries qu’il a la particularité d’isoler et être le seul à posséder à cette époque.

L’APPORT JAMAÏCAIN

Héritière technique de la culture des DJ’s jamaïcains, mais pas de sa spiritualité, la musique qui porte le nom de rap aux Etats-Unis représente ainsi la première musique afro-américaine qui exprime, partage, confie, sans détours, l’univers d’une Amérique des laissés pour compte plus durement touchée que les autres par la première crise liée au pétrole. Cette culture est confinée au ghetto situé au nord de Manhattan, l'enclave du South Bronx, oubliée par les gouvernements locaux successifs et désertée par ses habitants après le marasme économique. La vie y est rythmée par le climat de peur entretenue par les gangs, les incendies volontairement allumés par des propriétaires immobiliers en quête d’escroqueries aux assurances, des trafics de drogue qui menacent la rue, et une vie de classe ouvrière aux fins de mois difficile.

DES ORIGINES MELANGEES

En réalité, le rap est l’amalgame direct d’origines musicales américaines passées par le filtre culturel jamaïcain via les bases militaires qui y sont installées, l’influence culturelle américaine se développant sur place, et sa réinterprétation par les Américains de retour sur leur propre sol. C’est l’univers du toasting fusionné avec celui du Delta et de l’Urban Blues (la musique du sud des États-Unis), du R&B (une forme plus légère et plus rythmée que le gospel), de la funk (la version dynamique et sexuelle du R&B) du disco (la version édulcorée et issue des studios d'enregistrements du R&B) et du reggae. Finalement, c’est une nouvelle création insolite, appréciée, soutenue et familière de la culture musicale des jeunes noirs et hispaniques du Bronx.

LA METHODE DE LA MONTRE

C’est également de cette partie de la ville qu’un jeune féru d’électrique va révolutionner le genre, J. Sadler. Il concocte dans sa chambre un mélangeur de sons entre deux platines et entreprend de perfectionner la technique de mixage existant en utilisant le disque différement. En appliquant la méthode dite de la montre – il utilise le diamant en tant que répétiteur du rythme -, il perfectionne la technique inventée par Grand Wizard Theodore, l’art du scratch. Grand Master Flash et née. Une révolution sonique démarre.

LES DJ’S

Ce sont les DJ's principalement originaires de la circoncription du Bronx – Grand Wizard Theodore, Fashion, Disco King Mario, Hollywood, Grandmaster Flowers, Pete Jones (Brooklyn) – qui mixent des morceaux de funk «à la James Brown» ou «à la Isaac Hayes». Cette naissance artistique est possible parce qu'elle ne demande pas de moyens financiers excessifs, mais permet cependant l'accès à la musique grâce au détournement de la technologie et de son environnement. Elle fait la part belle aux animateurs de soirées, les MC's Masters of Ceremony dont beaucoup n'auront pas de carrière commerciale autre que celle soutenue par un public de quartier. A l’exemple des Grandmaster Caz, The Treacherous Three, ou de Lovebug Starski.

LA CULTURE

C'est une culture simple qui se déroule dans des salles de fête, ou dans les parcs, les rues, les HLM, un mouvement artistique hybride, souterrain, ne portant pas de nom spécifique autre que l'application de concepts : la "party"/la "fête", ou la "street jam", ces fameuses "block parties" où se mêlent poésie, danse, graffiti et musiques. Elle permet, dans le même temps, de libérer sa frustration sous la bienveillance des gangs de quartier*. Trois types de populations fréquentent ces fêtes, le public, les aspirants rappers, et les gangs qui assurent la sécurité de l’endroit moyennant une commission. Même si certains rappeurs se déplacent avec leurs propres gangs, cette nouvelle pratique d’entreprise contribue à diminuer l’élément de violence entre les gangs et à élargir le terrain de manifestation de la culture hip hop à de nouveaux territoires géographiques. Prorgressivement, la violence physique se mue en «battle», des confrontations sur un mode artistique.

*Le terme "breaker"/break boy, utilisé pour nommer les pratiquants de figures de danse sur les breaks de batterie, fera même peur aux forces de police qui le prendront un temps au sens littéral. Breakers = casseurs. Plus tard, l’acception du terme vaudra aussi pour b-boy équivalent d’une attitude, d’une gestuelle, d’un style vestimentaire.

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